Il faut reconnaître que le marché du tourisme entrant aux États-Unis a vu de meilleurs jours. D’après les chiffres communiqués par le ministère américain du tourisme, les visiteurs internationaux ont été moins nombreux de 1,9% ces six premiers mois de l’année. Par ailleurs, le marché est en déclin : selon l’Association américaine pour les voyages, les voyages longue distance seraient en diminution de 11,3% cette année. Elle prévoit une baisse de ce chiffre jusqu’à 10,9% en 2022, ce qui représenterait un manque à gagner de 180 milliards de dollars sur les dépenses effectuées par les voyageurs internationaux.
Et parmi tout cela, Brand USA, l’arme marketing du tourisme américain, n’a pas été renouvelée, bien que des progrès en la matière aient été faits cet été. Sur cette toile de fond, les experts en tourisme s’inquiètent particulièrement de la proposition du Département de la Sécurité nationale de rendre obligatoire la collecte des informations liées aux réseaux sociaux pour obtenir un visa ESTA. Cela sous-entend la totalité de vos posts Twitter, Instagram, Facebook et autres.
Dans 38 pays concernés, les personnes souhaitant se rendre aux États-Unis doivent remplir un formulaire en ligne pour bénéficier d’une exemption de ESTA visa. La proposition du Département de la Sécurité nationale est de réclamer les identifiants des réseaux sociaux (noms d’utilisateurs, identifiants) liés à un certain nombre de réseaux sociaux utilisés par le demandeur de visa au cours des cinq dernières années. À l’heure actuelle, révéler ces informations est facultatif.
La quantité d’informations se limiterait aux données publiquement disponibles, sans avoir besoin de suivre, mettre en ami ou de rejoindre le réseau de l’utilisateur. Le Département de la Sécurité nationale affirme que de telles informations aident à « confirmer avec certitude l’identité du demandeur », mais aussi de « déceler une potentielle fraude, tromperie ou encore de mettre au jour des menaces à la sécurité nationale ». En plus du programme d’exemption de ESTA visa, ce changement s’appliquera à tout autre type de visa et de procédures d’immigration, ce qui impacterait environ 33 millions de personnes par an.
Les experts craignent que ce dispositif ne refroidisse le tourisme entrant aux États-Unis, particulièrement en ce qui concerne les visiteurs.
En appliquant ces règles de sécurité, cette politique pourrait décourager des voyageurs légitimes de venir aux États-Unis, particulièrement ceux des marchés source de tourisme pour le pays. Ces inquiétudes ont déjà été exprimées par les lobbies à un plus haut niveau auprès du Département d’État et du Département de la Sécurité nationale. Selon une étude de l’Institut Cato, entre 1975 et 2017, seul un Américain a été victime d’une attaque terroriste perpétrée par quelqu’un qui était entré aux États-Unis grâce à une exemption de visa.
Aucune ou Autre
Cette politique, récemment mise en place par le Département de la Sécurité nationale afin de d’engager une période de consultation publique de trois mois, peut paraître mineure, mais s’avère lourde de conséquences. Depuis décembre 2016, les demandeurs d’exemption de visa ont été invités à renseigner sur le formulaire du visa ESTA, de manière facultative, leurs informations liées aux réseaux sociaux. Ce changement de politique, qui d’après plusieurs rapports devrait entrer en vigueur en 2020, rendrait cette question obligatoire pour prétendre à une exemption de visa.
Bien qu’il soit possible de choisir entre les cases « aucune » ou « autre » en ce qui concerne l’activité sur les réseaux sociaux, il n’est pas certains que les demandeurs la passent sous silence (pour des raisons éthiques ou privées, par exemple) obtiennent une exemption de visa.
Cependant, et bien avant que ces informations ne soient intégrées au formulaire d’exemption de visa, le Département de la Sécurité nationale avait déjà en son pouvoir l’autorisation de faire des recherches manuelles sur les comptes sociaux des futurs voyageurs se rendant aux États-Unis.
Toujours plus
Les ressentis et les motivations fluctuantes qui affectent le tourisme récepteur peuvent être attribués à plusieurs facteurs, parmi lesquels des tensions commerciales, un refroidissement de l’économie mondiale, un dollar fort, et comme le formule le ministère du tourisme avec tact, « une incertitude autour du gouvernement Trump ». Si certains ont critiqué les lois anti-immigrants et une politique américaine autocentrée comme des facteurs de découragement pour les visiteurs, il n’existe aucune donnée spécifique sur le ressenti des voyageurs en ce qui concerne cette politique sur les réseaux sociaux.
Toutefois, cette politique soulève bien des questions en matière de respect de la vie privée. Si la récupération de ces données par le Département de la Sécurité nationale trouve ses racines dans le gouvernement Obama, l’augmentation du champ des données ne fait que s’étendre depuis Trump.
De plus, une évaluation de 2016 du Département de la Sécurité nationale sur l’impact sur la vie privée déclarait que les informations récoltées auprès des postulants à une exemption de visa serviraient non seulement à éplucher leurs posts, mais aussi à voir avec qui ils interagissaient ou s’affiliaient.
Avec ce changement de politique, valable aussi sur d’autres visas, quiconque souhaitant venir aux États-Unis se verra réclamer ses identifiants sur les réseaux sociaux.
Si les voyageurs rechignent à se plier à cette obligation, il est fort possible que le tourisme récepteur aux États-Unis continue de chuter.